EN CHEMISE-VICTTIORIA DE BUZZACCARINI

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VICTTIORIA DE BUZZACCARINI

EN CHEMISE

ED. GENTLEMAN

 

Il a bien voulu cautionner de son autorité indiscutable cet ouvrage, obligeant par-là même l’auteur et l’éditeur, qui lui en savent infiniment gré.

Il fut un temps où la chemise était présentée au roi en signe d’hommage, avec force cérémonies qui faisaient intervenir une multitude de gens: un prince du sang la présentait au souverain, le premier camérier aidait celui-ci à passer la manche droite, tandis que le second valet avait le privilège de lui faire enfiler la gauche.

Fort heureusement nous vivons aujourd’hui une époque où ce protocole n’a plus cours, mais le choix de la chemise reste toujours un moment essentiel de la toilette du matin, même pour les hommes les plus pressés.

Tandis que l’habit, lui, a souvent changé de coupe, la chemise a conservé plus ou moins la même structure ; et il a de fortes chances qu’il en soit de même dans l’avenir.

Depuis que la chemise est apparue, l’homme n’a jamais cessé de la porter.

« Donner sa chemise », « laisser jusqu’à sa dernière chemise » sont deux expressions qui montrent que la chemise symbolise souvent le bien ultime, avant la ruine ou la faillite. En avoir une c’est jouir d’une certaine aisance, ne plus en avoir, c’est tomber dans l’indigence.

Le germains, avec toute la poussière que soulevèrent leurs incursions barbares, lorsqu’ils arrivèrent dans les contrées romaines, échauffés et suants, apprécièrent à leur juste valeur un bon bain dans les thermes et le plaisir de passer la longue tunique de lin.

Le dessin de l’encolure donnait de l’ampleur aux épaules en soulignant la dimension érotique de la posture virile. Au fur et à mesure que se formait un véritable col avec des rabats ou des pointes, les épaules s’effacèrent, et c’est le cou qui prit de l’importance, avec tous les ornements qui pouvaient s’y concentrer.

Les contemporains s’entendent à souligner les penchants homosexuels de Henri III, à la tête d’une bande de « mignons », ses protégés qui envahissaient la cour de France.

Henri III veillait en personne à l’amidonnage de ses fraises et s’occupait même de celles de sa femme. L’opération durait tant que le roi n’était pas parfaitement satisfait du résultat. Il mettait d’ailleurs un tel soin dans les détails ultimes de sa toilette qu’il arriva, dit-on, en retard à son propre couronnement, et m^me à son mariage.

L’habit ne fait pas le moine, certes, mais la chemise fait le seigneur.

La pudeur et la pruderie, qui sont une peur inconsciente et exagérée de la sexualité, commencèrent à considérer d’un œil différent les objets en rapport avec le corps. Les tabous s’appliquèrent non seulement à tout vêtement, mais aussi à toute expression qui pouvait créer une association d’idées, même indirecte, avec l’instinct abominable du sexe.

L’apparition de la machine à coudre fut une sorte de révolution : inventée et commercialisée en 1851 à Boston grâce à l’Américain Isaac Singer, elle gagna rapidement l’Europe pour faciliter le travail et abaisser le prix de revient des chemises.

L’élégance masculine a toujours constitué un chapitre important de la vie sociale.

Avec un éventail de couleurs, de tissus et de formes qui n’ont rien à envier à ce que peut offrir un véritable artisan. Le choix do coton. L’étude du modèle. L’établissement des mesures. La découpe des épaisseurs de tissu avec des instruments spéciaux. Le montage des doublures avec un système thermo-adhésif. L’intervention de machines hyper spécialisées pour les coutures doubles, les rabats, le montage do col, des poignets, la confection des boutonnières et la fixation des boutons. Le repassage automatique et le pliage semi-automatique. Autant de technologies de pointe qui permettent aujourd’hui la réalisation de produits industriels dont la qualité reste de premier ordre.

La chemise entretient avec celui qui la revêt un contact intime et direct : il est donc inévitable que s’établisse entre elle et lui un rapport physique. Car ce vêtement est changé chaque jour, pour être sûr de conserver, vis-à-vis d’autrui et de la vie en général, sa propre dignité, son harmonie intérieure, son élégance et sa bonne humeur. On comprend facilement, dans ces conditions, qu’après avoir supporté des tensions, des émotions ou des sueurs froides, la chemise réclame une intervention urgente pour pouvoir offrir, après une bonne douche et une petite séance de rasage, une irremplaçable sensation de frais.

Même si la société de consommation a habitué nos contemporains à jeter les produits dont ils se sont servis, les hommes en général prennent un soin jaloux, voire amoureux, de leur « patrimoine chemisier », surtout s’ils sont orphelins, célibataires ou divorcés, privés par conséquent de cette atmosphère de sollicitude attentive, rassurante, un collante, qu’une femme ou une mère parvient à créer autour d’eux en se rendant précieuse et indispensable.

La blanchisseuse professionnelle est, supérieure en efficacité à ces recettes de bonne femme qui vous ôtent une tache en faisant un trou à la place.

La chemise partage la vie de l’homme, l’accompagne au cours des années et subit avec lui l’usure du temps.